Voici trois siècles naissait… la légende du droit d’auteur

Au début de mois d’avril 1710, en Angleterre, le Statut d’Anne voté l’année précédente prenait effet. Cette loi est souvent considérée comme la fondation droit d’auteur moderne, au sens patrimonial de la propriété intellectuelle. En fait, il s’agit plutôt de la naissance d’une légende du droit d’auteur. Car ce Statut d’Anne fut d’abord l’épisode d’une manœuvre plus vaste menée par des commerçants en vue de protéger leur commerce, comme je l’ai appris en lisant cette nuit un ouvrage de Lyman Ray Patterson consultable sur Google Livres. Ainsi, le Statut d’Anne fut surtout un effet de ce que l’on appellerait aujourd’hui le lobbying.

Cette législation anglaise eut pour promoteur et défenseur du côté de la société civile non les auteurs, mais la Worshipful Company of Stationers and Newspaper Makers, plus connue sous le simple nom de Stationer’s Company. Ce qui en français donne « l’entreprise de papeterie », on voit que nous ne nageons pas tout à fait dans les eaux douces de l’éther romantique, mais dans celles réputées plus fraîches du calcul entrepreneurial. Cette guilde était en réalité une puissante corporation fondée en 1403, qui avait reçu par décision royale (1557) le monopole de l’édition dans toute l’Angleterre. En 1662, ce monopole fut aboli et le vote du Statut d’Anne arrive au début du XVIIIe siècle en raison de la nécessité d’unifier les lois anglaises et écossaises. Les entrepreneurs en papeterie aimeraient récupérer leur monopole, mais après l’épisode cromwellien, l’époque n’est guère favorable.

Le texte assez court du Statut d’Anne ne précise nullement que le copyright est attribué à l’auteur en raison d’un droit naturel ou d’un fruit de son travail : cet auteur est simplement cité comment un ayant-droit parmi « toute personne » propriétaire d’un texte. Le copyright lui revient s’il est vivant après un premier délai d’exploitation exclusive de 14 ans, pour 14 autres années, mais si l’auteur a cédé entre-temps sa propriété à un tiers (« libraires », « imprimeurs », « autres personnes » dit le Statut) ce renouvellement est caduc. Au moment où le Statut d’Anne est voté, la plupart des livres sont en réalité la propriété des libraires-imprimeurs et particulièrement de la Stationer’s Company qui manœuvre en coulisses. Ceux-ci se voient d’ailleurs reconnaître 21 années d’exploitation exclusive après le Statut, y compris pour des textes anciens qui ne tombent dès lors pas dans le domaine public.

Lorsqu’en 1731 les éditeurs de l’époque virent arriver la fin du terme de ces 21 ans de monopole supplémentaire, ils entamèrent une longue guerre d’usure auprès des tribunaux et du Parlement pour faire prévaloir malgré tout leurs privilèges, notamment contre des concurrents écossais et irlandais très actifs dans les provinces (c’était les « pirates » de l’époque, de méchants contrefacteurs qui proposaient au petit peuple des éditions bon marché). L’épisode est connu sous le nom de « bataille des libraires ».

De manière très habile, les éditeurs monopolistiques ont alors argué que le copyright revenait finalement à l’auteur propriétaire en vertu de règles du droit coutumier (common law) et qu’il était aussi exclusif que perpétuel… Ce qui était évidemment un autre moyen de poursuivre leur monopole sur des livres, puisque dans la plupart des cas l’auteur leur avait abandonné une exploitation exclusive et perpétuelle de son droit exclusif et perpétuel ! Après un arrêt favorable à cette interprétation (Millar vs Taylor 1769), la Chambre des Lords a refusé de suivre ce raisonnement spécieux. Jamais le droit anglo-saxon ne reconnaîtra ce que nous nommons le versant « moral » du droit d’auteur : il est clairement posé que ce droit d’auteur a une durée fixée par les politiques publiques et qu’il concerne essentiellement la dimension commerciale. En d’autres termes, on admet que le libraire-imprimeur-éditeur doit être protégé par une exclusivité temporaire pour les risques qu’il prend dans la production et diffusion d’une œuvre, mais il n’y a rien au-delà de ce calcul très prosaïque. Bien sûr, plus la protection exclusive est longue, plus ce libraire-imprimeur-éditeur peut engranger des bénéfices sans trop de souci.

Lorsque cette question du copyright est arrivée en Europe continentale, elle a été enrobée de toutes sortes d’oripeaux idéalistes et spéculatifs, assez éloignés du pragmatisme anglo-saxon et du même coup assez éloignés des réalités éditoriales. Car sans la croissance de marchés nationaux de masse nés de l’alphabétisation et des progrès techniques de l’imprimerie, c’est-à-dire sans l’aiguillon du profit escompté, jamais ces questions n’auraient eu une telle importance dans les débats. La figure romantique de l’auteur masque la réalité commerciale de son expropriation par le contrat d’édition. A une époque (XIXe siècle) où n’existaient ni la télévision ni la radio, il faut bien concevoir que le livre est vite devenu un divertissement de masse (d’où le succès des illustrés) et non seulement un enjeu intellectuel ou créatif, en d’autres termes que le livre est devenu le prototype des industries culturelles de la société du spectacle, appelées à connaître leur âge d’or au XXe siècle.

Voici trois siècles, donc, on n’a pas tant assisté à la naissance du droit d’auteur qu’à un épisode parmi d’autres d’une longue bataille de boutiquiers souhaitant conserver leur monopole. Et depuis trois siècles, les mêmes boutiquiers n’ont eu cesse de faire pression sur les pouvoirs publics, enrôlant volontiers les auteurs comme porte-drapeau, pour que la loi étende sans cesse la durée du copyright, c’est-à-dire finalement restaure les conditions monopolistiques des privilèges d’Ancien Régime.

L’auteur est toujours placé au centre des débats, mais les auteurs savent bien qu’ils ne sont pas au centre des réalités : ils ne touchent en moyenne que 8% de royalties sur un livre, 87% revenant aux intermédiaires et 5% à l’Etat. En d’autres termes, le droit d’auteur est le nom que l’on donne à l’exploitation économique de l’auteur, où une chaîne de commerçants intermédiaires gagne dix fois plus que lui sur sa création.

En 2010, nous sommes bien loin du Statut d’Anne et des législations subséquentes votées aux XVIIIe et XIXe siècles, amendées au XXe siècle. Le passage de l’édition papier à l’édition numérique impose une réévaluation complète du droit d’auteur car les conditions techniques et économiques ont de nouveau changé, la production et la diffusion numériques créant un écosystème informationnel entièrement nouveau. La simple répétition (généralement renforcée dans la protection des droits) des anciennes législations est tout simplement dénuée de sens.

La « bataille des éditeurs » depuis dix ans n’est pas de même nature que la « bataille des libraires » au XVIIIe siècle : au lieu d’avoir une simple querelle entre des agents économiques en compétition pour la production et en quête d’un monopole d’Etat, on a désormais le phénomène inédit d’une appropriation massive et libre des contenus par leur public. La bataille des producteurs culturels est donc ouvertement dirigée contre les consommateurs. Il est désormais manifeste qu’elle a comme enjeu le profit et non la culture, puisque la diffusion de la seconde est entravée au nom du premier.

Référence citée : Patterson RL (1968), Copyright in historical perspective, Vanderbilt University Press (voir pp 42-179)

11 commentaires:

  1. Le "copyright" anglo-saxon et le "droit d'auteur" sont deux approches juridiques complètement différentes, appartenant à des traditions bien distinctes.

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  2. Oui et non. C’est-à-dire que philosophiquement, on trouve des tas de débats dans la littérature juridique (surtout au XIXe siècle) sur la nature du droit d’auteur, ses fondements, etc. Donc on peut trouver en effet des « traditions » de pensée.

    Mais concrètement, on a assisté à une uniformisation tendancielle des règles patrimoniales, qui sont en fait les seules ayant un poids économique. Si vous prenez la Convention de Berne, actualisée de 1886 à 1979), elle reprend la distinction des « droits moraux » et des « droits patrimoniaux » (6bis), de manière peu claire d’ailleurs puisque les droits moraux arrivent comme un cheveu sur la soupe, l’essentiel de la Convention concernant les droits patrimoniaux.

    Je pense que les débats philosophiques sur les fondements du droit d’auteur sont passionnants pour l’histoire des idées, mais pas très éclairants sur la dynamique qui s’est imposée sous l’influence des enjeux réels, c’est-à-dire marchands et industriels. Le droit patrimonial d’auteur est pour l’essentiel un droit de copie (= copyright) qu’il cède à l’éditeur, et c’est le droit de copie qui est en jeu aujourd’hui. De ce point de vue, les nuances sont marginales, l’enjeu patrimonial est le même dans tous les pays, que l’éditeur se voit reconnaître un monopole de diffusion (de copie, donc).

    Aujourd’hui, personne ou presque ne soutient le perpétuité du droit d’auteur, qui est pourtant la conséquence logique de l’approche par droit naturel (si je suis propriétaire des fruits de mon travail intellectuel, je dois pouvoir céder ma propriété et mes ayants-roit doivent pouvoir faire de même, etc.). En fait, le syntagme « propriété intellectuelle » a peu à peu remplacé le droit d’auteur ou le copyright. (cf OMPI ou débats actuels ACTA).

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  3. Bravo pour cette synthèse, ce rappel historique a du bon. Le droit d'auteur est bien né, à l'origine, comme un privilège reconnu aux libraires, soit les ancêtres des éditeurs. Le droit d'auteur était purement patrimonial, et vous en avez parfaitement exposé les raisons. C'est au contact du droit civil continental qu'il a revêtu son aspect moral, et qu'il a été rattaché, psychologiquement, à l'auteur plus qu'à l'ayant-droit.

    Sans revenir sur l'évolution du droit d'auteur, il est apparu que depuis la moitié du XXe siècle, ce droit d'auteur a fait l'objet d'une réappropriation totale par les éditeurs, qui ont sans cesse prolongé les conditions de leur monopole.

    Et comme vous l'exprimez là encore avec beaucoup de simplicité, aujourd'hui, c'est contre le public, contre les "consommateurs" de culture que se battent aujourd'hui les indutries du contenu, qui refusent de comprendre que l'évolution technologique met un terme à leur statut inconcournable d'intermédiaires techniques et économiques. Le "droit d'auteur" est confisqué par ces industries et transformé en "droit d'éditeur" (en témoignent le lobbying intense de ces industries pour les lois iniques et imbéciles DADVSI ou HADOPI, en témoigne la protection juridique au titre de la "contrefaçon" des DRM apposés sur les oeuvres numérisées, en témoigne l'allongement de la durée de protection ponopolistique aux USA, en témoigne ACTA, etc...)... mais le changement de paradigme dans la production comme dans la diffusion de la culture a rendu leur modèle économique obsolète. Ils se crispent sur leurs monopoles, mais le public se passe déjà d'eux. Ils criminalisent, grâce à la complicité des plus déplorables des politiciens, leur propre public, mais ne pourront pas lutter. Le droit d'auteur a vocation a (re)devenir un lien juridique direct entre le créateur et le public. Le domaine public doit être réévalué, réhaussé. Les prérogatives de l'artiste doivent lui être restituées. Le vampirisme des industries du contenu doit être éradiqué, et ces mastodontes boursiers, qui valorisent des catalogues plutôt qu'ils ne développent des artistes, doivent être démantelés.

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  4. (UHM) Oui c’est exactement cela. Le modèle de production industrielle qui s’est formé au XIXe siècle pour le papier, un peu plus tard pour la musique et le film, ne tient plus la route à l’âge numérique. On peut dire que le décalage commence au niveau du temps et de l’espace, c’est un effet direct de la théorie de l’information : tout contenu numérisable se déplace désormais à une vitesse qui tend vers celle de la lumière (fibre optique) ; un site peut aisément contenir la totalité des contenus culturels dans un secteur donné (livre, musique, film) a fortiori le net comme réseau de sites. En face de cela, des agents isolés et concentrés veulent « raréfier » le temps (imposer des monopoles à dimension séculaire) et l’espace (bétonner un catalogue propriétaire sur un support propriétaire) parce qu’ils raisonnent comme au XIXe siècle, quand les biens étaint difficiles d’accès. C’est insensé et perdu d’avance, cela demande un régime totalitaire qui brime la tendance spontanée de l’être humain à imiter, copier, partager les informations qu’ils trouvent utiles ou plaisantes (ce que nous avons toujours fait, nous prêtons ou donnons nos livres, etc.). Comme je l’avais signalé ailleurs sur ce site, certains fondateurs de la théorie et des systèmes d’information, comme Wiener, avaient perçu très tôt cette conséquence de la numérisation, dès les années 1940. Mais ni les industriels ni les politiques ne comprennent cela, ils sont restés dans un horizon mental de contrôle vertical et concentré, incompatible avec la nature même des nouveaux flux d’information sur le Net.

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  5. Un truc qui m'empêche de rejoindre l'unanimisme anti-major et anti-hadopi (à titre collectif et non individuel), c'est que si l'on demandait à tout les libertaires de bureau qui s'y opposent d'appliquer le copyleft à ce qui assure leur confort de priviligié du nord (pétro-chimie, agro-alimentaire, biotech etc.), d'un coup on verra nos braves proto-communiste devenir des propriétaires accariâtres et réactionnaires.

    Tpyiquement, Numérama fait aplaudir un ministre néo-fasciste italien par ce qu'il déclare télécharger des bouses Europacorp sur EmulE, rohohoh dis donc quel courage politique insensé.

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  6. (anonyme) La propriété industrielle a également des excès (je les connais moins cependant), mais plusieurs points :
    • elle n’est pas employée par tous les acteurs (le secret convient aussi bien que le brevet cf. Coca, Michelin, etc.),
    • le brevet ne dure que 20 ans (et non parfois plus d’un siècle pour la propriété intellectuelle), durée qui paraît déjà plus raisonnable quoique racourcissable dans de nombreux domaines où un tel délai ne correspond pas à un investissement lourd,
    • le cas de force majeure permet toujours à un Etat de passer outre (ce que l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud ont déjà fait pour des génériques).

    Par ailleurs, il n'y a pas que les "communistes" qui soient opposés à l'idée d'une propriété intellectuelle : sauf erreur, une partie des libéraux y sont défavorables (puisqu'en dernier ressort, c'est toujours un monopole garanti par l'Etat et non un effet spontané du marché).

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  7. Et j'ajoute un point oublié : en théorie (hélas pas en pratique), le brevet correspond à une obligation de rendre publique son invention, donc de permettre dès le délai écoulé à tous les autres de la copier et de la répandre. Je dis "en théorie" car j'ai lu qu'il existe un manque complet de rigueur sur ce point, c'est-à-dire que bien des dépôts sont trop vagues alors qu'ils devraient reproduire très exactement les procédés d'invention.

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  8. (Nouvelles précisions historiques) A propos des différences entre droit d’auteur et copyright, ou tradition anglo-saxonne et tradition continentale.

    Sur Gallica (merci le domaine public), une recherche « droit d’auteur » ou « propriété intellectuelle » donne à chacun les traités du XIXe siècle, notamment Gastambide 1837, Renouard 1839, Folleville 1877, Pouillet 1879, Chatain 1880, Billard 1903-1906, ainsi que de nombreux numéros spéciaux de revues juridiques. Les parties historiques sont généralement convergentes, avec l’absence de propriété littéraire pendant la majeure partie de l’histoire humaine, l’apparition des premiers privilèges de libraires avec l’imprimerie (Venise 1495). Ces privilèges avaient une face commerciale mais aussi une face politique (outil de censure).

    En fait, comme le remarque par exemple Chatain 1880, dans ces premiers temps du supposé droit d’auteur, « l’auteur n’étais pas en cause : le libraire seul s’agite : celui qui a créé ne dit rien ; c’est celui qui exploite sa création qui se préoccupe de garantir ses bénéfices ou, tout au moins, de rentrer dans ses avances ». Et les auteurs sont loin de suivre tous le pas, Boileau se moque de ceux qui « Mettent leur Apollon aux gages d’un libraire / Et font d’un art divin un profit mercenaire ».

    En France, c’est le conflit entre libraires de Paris et libraires de province (comparable à la bataille anglaise des libraires) qui amène des théoriciens comme d’Héricourt à avancer l’idée d’un droit d’auteur perpétuel. La genèse est exactement la même, un conflit commercial sur la copie où l’auteur est appelé secondairement à la rescousse pour une solution juridique.

    Certains éditeurs ne furent nullement satisfaits de cette solution des droits d’auteur : ils n’ont pas hésité le cas échéant à s’attaquer à ceux-ci ! Diderot fut leur avocat dans la célèbre « Lettre adressée à un magistrat sur le commerce de la librairie » : il s’alarme au nom de ses clients que les héritières de La Fontaine aient réclamé et obtenu un privilège perpétuel (1761) en accord avec l’idée de droit d’auteur infiniment attaché aux ayants-droit. Quand l’arme de guerre du droit d’auteur perpétuel se retourne contre les boutiquiers, eh bien ceux-ci préfèrent la passer à la trappe ! Diderot dit qu’il « n’est pas d’un homme de mon état de plaider la cause du commerçant contre la postérité de l’auteur », mais c’est exactement ce qu’il fait, laissant entendre que les demoiselles La Fontaine sont vraiment mesquines de réclamer le droit patrimonial… sans dire un mot de la mesquinerie de ses clients ! Mais surtout, Diderot est piégé dans cette histoire du droit d’auteur perpétuel fondé sur le droit naturel (une idée que l’on peut déduire de Locke) qui concrètement se révèle impatricable, à la fois parce qu’elle peut priver le public de nombreuses œuvres, parce qu’elle est source de conflit et parce qu’un commerce perpétuel (sa conséquence) heurte pas trop le bon sens.

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  9. Que les intérêts économiques des auteurs et des éditeurs soient fondamentalement divergents, me semble une évidence. Par rapport à une rémunération donnée, se pose le problème du partage du gateau. Que des alliances opportunistes se soient crées puis défaites entre auteurs et éditeurs en place lorsqu'apparaissaient de nouveaux acteurs économiques qui revendiquaient leur part du gateau est une autre évidence. La SACEM en est une illustration. Si les producteurs de musique n'avaient pas été associés aux auteurs, ces derniers n'auraient pas récupéré une petite part du gateau, mais rien du tout comme dans les pays qui ne respectent pas le droit d'auteur comme la Chine ou la plupart des pays africains.
    Je peux comprendre que par rapport au droit patrimonial, des acteurs culturels dont l'essentiel de la rémunération économique est issue de revenus garantis et salariés aient une stratégie économique différente de ceux dont l'essentiel de la rémunération provient de l'exploitation et de la diffusion de leurs oeuvres.
    Mais ce qui me semble plus étrange, pour ne pas dire totalement radical, c'est ce rejet du droit moral qui est très présent au sein de "Culture Visuelle".
    Certes, le savoir académique se constitue à partir des emprunts réalisés auprès de ceux qui vous ont précédé, mais ni plus ni moins que pour toutes les formes d'expressions artistiques. Si je vais au bout de cette logique, et que je pense que le droit moral est un privilège exhorbitant "à la fois parce qu’il peut priver le public de nombreuses œuvres, parce qu’il est source de conflit et parce qu’un commerce perpétuel (sa conséquence) heurte pas trop le bon sens.", il faut assumer que je puisse réaliser des copiés collés des contenus du site et me les attribuer.

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  10. (thierry) Je ne rejette pas spécialement le « droit moral », pour le coup on trouve des conflits de paternité et plagiat dès l’Antiquité. (Même les licences Creatives Commons imposent la paternité, bizarrement car si l’auteur est indifférent il pourrait accepter d’être repris sans être obligatoirement cité, ce qui est mon cas pour le contenu de ce blog). Il me semble que la plupart des auteurs cherchent la réputation (chez leurs pairs ou auprès de leurs publics) plus que les revenus, donc les priver d’un droit moral de paternité serait probablement plus démotivant que limiter la durée et la portée de la PI patrimoniale. C’est la transformation d’un droit moral en droit patrimonial perpétuel que je refuse.

    Un problème se pose en ce moment de manière intéressante : Alexandre Grothendieck, un des plus grands mathématiciens vivants, vient de faire une lettre refusant absolument toute publication de ses travaux de géométrie algébrique. Que faire quand un apport majeur à la pensée exige ainsi son propre « autodafé », ce qui impose d’attendre 70 ans la mort de l’auteur pour que ses travaux (encore en partie inédits) soient disponibles pour les étudiants ?

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  11. On a le même problème en matière d'édition avec la publication posthume d'un roman inédit de Nabokov par son fils, alors que l'auteur souhaitait qu'il soit détruit.
    En tant que photographe, j'estime que le droit d'effacer ou de bruler une de mes images est un droit fondamentale. Y compris si la postérité décide que ma décision est une connerie. Mais bon je ne suis ne pas un mathématicien et je ne risque pas non plus de trouver un traitement au cancer.

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