Balzac et les pirates belges (sur la nécessité d'une réflexion normative et empirique sur le droit d'auteur)

Dans le domaine littéraire et artistique, la propriété intellectuelle (droit d’auteur ou copyright) donne lieu à deux types de débat. Le débat normatif, qui concerne philosophes et juristes, vise à savoir en quoi le droit d’auteur est fondé dans sa dimension morale (intellectuelle) et patrimoniale (commerciale). Le débat empirique, qui relève de l’économie et de la psychologie, a pour objectif d’analyser si la propriété intellectuelle favorise ou non la créativité à l’échelle d’un individu, d’une population ou d’une époque, ainsi que d’observer ses effets sur les revenus des acteurs. On retrouve ces débats dans le domaine industriel, technologique et scientifique (brevets, licences), où d’autres problèmes un peu différents se posent encore.

Je tâcherai désormais  de me faire de temps en temps l’écho sur ce blog de diverses études empiriques, et si mes lecteurs m’en signalent, je leur en serai reconnaissant. Contrairement à une idée reçue, l’hypothèse d’un lien nécessaire et évident entre propriété intellectuelle et dynamisme de la créativité est plutôt contestée chez les économistes. Mais les études semblent contradictoires selon les domaines, les périodes et les critères choisis. Il sera toutefois intéressant d’en extraire des données factuelles, dans un débat qui en manque souvent.

Pour ce qui est de la réflexion normative, je considère la dimension patrimoniale du droit d’auteur (c’est-à-dire le monopole commercial et sa cession à un éditeur) comme problématique, ainsi que je l’ai esquissé ici.

Un point important me semble déjà que cette propriété intellectuelle patrimoniale doit être débattue librement et paisiblement, au lieu d’être assénée violemment sous forme de commandement quasi-divin, d’impératif catégorique ou de condition de survie de la civilisation, comme c’est généralement le cas dans le discours des dirigeants politiques et économiques. Ainsi que Lawrence Lessig le remarque en ouverture de Remix, nos sociétés ne gagnent probablement pas grand chose à désigner des adolescents qui téléchargent des musiques comme de dangereux délinquants, dont la surveillance mérite autant d’efforts policiers et judiciaires que celle des terroristes. La disproportion des délits et des peines n’est pas la meilleure école de rectitude pour les conduites.

Pour revenir sur la discussion normative, et la commencer sur un point quelconque de cette problématique très vaste, on reconnaît la propriété intellectuelle comme un droit patrimonial subjectif, c’est-à-dire un droit attaché au sujet (l’individu). Or, un sujet est généralement considéré comme libre de disposer de son patrimoine : nous pouvons vendre, donner, détruire, abandonner, transmettre nos biens. Il y a des exceptions au principe, bien sûr, mais enfin ce principe est néanmoins admis et un régime qui interdirait à l’individu de faire ce qu’il entend de ses biens serait considéré comme autoritaire, sinon totalitaire.

La logique du droit subjectif voudrait que la propriété intellectuelle soit donc potentiellement éternelle, plus exactement perpétuelle c’est-à-dire infiniment transmissible à un ayant-droit (ce que défendait par exemple Balzac*, aussi bon logicien que romancier semble-t-il). Par exemple, si vous construisez une belle maison, vous n’avez pas spécialement envie que 70 ans après votre mort, vos héritiers en soient délogés de force. C’est pourtant ce qui arrive quand vous construisez une belle œuvre de l’esprit : elle tombe dans le domaine public sept décennies après votre regrettable disparition.

Nous voilà avec un paradoxe : un droit subjectif borné par une limite objective, fixée par la loi. Cette limite découle du fait suivant, qui a régulièrement été invoqué depuis deux siècles dans les débats sur le droit d’auteur, y compris par des auteurs eux-mêmes (Hugo et Proudhon pour les plus célèbres) : le législateur doit prendre en compte l’intérêt public ou l’utilité sociale de la diffusion des œuvres de l’esprit. Mais puisque tel est le cas, trois choses.

• Il est implicitement reconnu que la propriété intellectuelle est en partie contraire à l’intérêt public ou à l’utilité sociale. On doit donc réfléchir en quoi.

• Certaines caractéristiques de l’œuvre de l’esprit empêchent de la considérer comme tout autre bien soumis à « l’individualisme possessif » du droit moderne. On doit donc examiner quelles sont ces caractéristiques, et quels fondements ont en dernier ressort les droits de l’auteur.

• Le régime de la propriété intellectuelle indique par sa limite imposée qu’il procède aussi bien d’un choix social et politique sur le destin des œuvres de l’esprit. Cela explique pourquoi, loin d’être fixe, la limite entre la propriété intellectuelle et le domaine public a régulièrement changé – toujours dans le sens d’un allongement du délai post-mortem (**). On doit donc s’interroger sur ce choix.

Ma première réflexion s’arrêtera ici. Soit le droit d’auteur est perpétuel jusqu’à extinction de la lignée de l’auteur, soit il est limité. Dans le second cas, sa limite est de pure convention et il est légitime d’ouvrir un débat à ce sujet. Car les conventions, contrairement aux principes, sont faites pour évoluer au gré des époques et des lieux. Poser par exemple que le droit d’auteur dans sa dimension patrimoniale ne dure que 20 ans, comme un brevet, serait une convention comme une autre.

Ces conventions sont de nature purement politiques, elles témoignent parfois d’un consensus, parfois d’un rapport de force. Nous observons aujourd’hui une certaine politique des producteurs de contenus visant à défendre le statu quo de la propriété intellectuelle en même temps qu’une pratique des consommateurs de contenus menant à enfreindre massivement la loi, en raison des évolutions de mentalité et de technologie. Nous sommes donc dans un rapport de force. De cet affrontement, on doit déduire la nécessité de poser le débat et la liberté de le poser du point de vue de tous les acteurs concernés.


(*) Dans sa Lettre adressée aux écrivains français du XIXe siècle (1er novembre 1834), Balzac voue déjà aux gémonies le piratage, et aussi le fait que le droit d’auteur s’éteint peu après la mort celui-ci (exhérédation = déshéritement): « Messieurs, notre exhérédation est infâme (…) dans sa sollicitude, ce pays est intelligent pour ce qui est matériel ; il est insensible pour ce qui est intelligent : ce pays est la France. Oui, messieurs, sachez-le bien, le tiers de la France se fournit de contrefaçons faites à l’étranger (…) Ainsi, pour nous, exhérédation illégale qui frappe nos familles, voilà l’avenir ; mise hors du droit commun relativement à la piraterie littéraire, voilà le présent» (cité in Jan Baetens, Le combat du droit d’auteur. Anthologie historique, Impressions nouvelles, 2001, pp. 75sq). Balzac en voulait énormément… aux Belges pour leurs contrefaçons, un peu comme LVMH en veut aux Chinois aujourd’hui (ainsi qu’à Google et à eBay).

(**) En France, 5 ans après la mort de l’auteur (1791, 1793), 20 ans (1810), 30 ans (1841), 50 ans (1886), 70 ans aujourd’hui ; aux États-Unis, 14 ans après publication renouvelable une fois (1790), renouvelable 28 ans (1831), 28 supplémentaires (1909), 50 ans après la mort de l’auteur (1976), 70 ans enfin. Quand j’en viendrai aux questions empiriques, et notamment à la psychologie de la créativité stimulée par le copyright (« incentive paradigm »), il me faudra analyser à travers la littérature scientifique moderne comment le cadavre d’un auteur a pu être ainsi motivé à créer par l’extension régulière de ses droits. 

11 commentaires:

  1. Il me semble que le débat sur le droit d'auteur est faussé par le fait que la propriété intellectuelle au sens large est considérée comme un domaine stratégique. La propriété intellectuelle, c'est un peu l'ultime production à forte valeur ajoutée de nos sociétés - le dernier truc qui ne peut pas être délocalisé intégralement.
    A partir de là, pour les Etats-Unis et les pays de l'UE, lâcher sur le droit d'auteur, ce serait 'envoyer un mauvais signal', 'afficher une attitude laxiste' en matière de propriété intellectuelle, etc. Quand ils envoient des gamins devant les tribunaux pour avoir téléchargé un album de Britney, ce qu'ils protègent en fait, ce sont les brevets de l'industrie pharmaceutique.

    J'attends avec impatience ton prochain texte.

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  2. Oui, c'est un noeud important pour l'approche empirique de la question et sa dimension politique. Si nous sommes bel et bien entrés dans l'ère du "capitalisme cognitif" (Yann Moulier Boutang), de l'économie du savoir et de la connaissance, etc., alors la valeur d'échange se concentre sur les biens de l'esprit. Mais évidemment, nous entrons peut-être dans l'ère d'un "socialisme cognitif" (Kevin Kelly) dominé par la valeur d'usage des biens communs. En cela, la numérisation du monde déplace le champ des débats auxquels nous étions habitués et si l'on veut vraiment réfléchir à la "politique de civilisation", c'est notamment là que cela se passe.

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  3. Je ne comprends pas la logique de votre "Soit le droit d’auteur est perpétuel jusqu’à extinction de la lignée de l’auteur, soit il est limité."

    Le droit d'auteur est attaché à la personne de l'auteur, considéré comme une extension de ce dernier : il est logique que sa dimension "illimitée" suive la vie de l'auteur, et que le droit moral de l'auteur sur son œuvre soit illimité.

    Ensuite, à la mort de l'auteur, ce régime se transforme puisque le titulaire légitime des droits a perdu sa personnalité juridique. Néanmoins, on consent à l'auteur de pouvoir transmettre à ses héritiers une partie de ces droits, dont celui d'en tirer profit, pour une durée limitée à approximativement la vie des héritiers directs, ce qui apparait parfaitement logique, si on considère que ces droits ont une valeur (et représentent peut être tout ce que l'auteur, peut être même mort dans la misère, a pu accumuler de son vivant) ce n'est généralement pas l'utilité publique qui profite de l'épuisement des droits d'auteur, mais des éditeurs, producteurs de films etc ... bien gras.

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  4. Une précision : je ne conteste pas le fait que la durée de la limite temporelle postérieure au décès de l'auteur puisse être discutée (et par exemple, qu'on puisse envisager le passage dans le domaine public de l'oeuvre à la mort de son auteur (pour un usage non commercial), en réservant néanmoins l'exploitation commerciale aux héritiers/ayants-droit), en revanche, je m'oppose fermement au fait qu'on vienne placer la propriété intellectuelle dans le même sac que la propriété industrielle ou un bien quelconque (pour moi, c'est niveler par le bas), et donc contester à l'auteur la paternité de son œuvre de son vivant.

    Et tout cela au nom d'un "changement de mentalités", dans les faits une parfaite insensibilité à la valeur d'une génération pronant une idéologie irréaliste par pur intéret personnel, parce que soyons clairs, le débat lancé entre ayants-droits et téléchargeurs est aussi crétin d'une part que d'autre :
    - d'un coté on a la vieille garde avec ses infrastructures bien trop lourdes et inadaptées qui ne comprend rien à internet et s'accroche désespérément à un modèle économique révolu pour retrouver sa gloire d'antan (ou tout simplement sauver les meubles)
    - de l'autre, une bande d'individus qui profitent de la technologie pour consommer massivement des produits commerciaux en se prenant pour un groupe "proliberté du futur", sans rien donner en échange ou s'apercevoir qu'à terme cela a des conséquences sur l'offre de ces produits consommés si avidement, et pensent pouvoir se prévaloir d'un usage établi (ou un changement de mentalité si on veut) pour rendre cette 'liberté de consommer gratuitement de manière illimitée' opposable à tous.

    Il est évident que quelque chose doit être fait, des deux cotés.

    Mais ce n'est pas le droit d'auteur lui-même qui doit être attaqué, plus les ayants-droit à qui il faut demander de se repenser plus petits, et de revoir leurs modèles économiques pour trouver un système viable n'étant ni un piège pour le consommateur (genre téléphonie mobile), ni synonyme de ruine pour l'éditeur, qui doit trouver le moyen de justifier sa propre existence en recréant de la valeur autrement (et pour avoir des entrées dans certaines discussions au sommet, je peux dire qu'on est loin du compte, et qu'à ce jour, on ne trouve pas de système économique viable tenant compte des nouvelles données).

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  5. (anonyme) Le droit moral est en effet perpétuel s'il équivaut à une reconnaissance de paternité sur une oeuvre (par exemple, Aristote a bien écrit la "Politeia" ou Balzac "Le lys dans la vallée"). Techniquement, ce droit moral est plus complexe (il inclut la divulgation, le repentir, l'intégrité outre la paternité) et il varie d'un pays l'autre : les Américains ignorent la notion de droit moral dans le copyright, les Allemands calque sa durée sur le droit patrimonial, les Français lui donnent une durée illimitée théorique (me semble-t-il). Un juriste me corrigera si besoin.

    Mais le droit moral n'est qu'un aspect de la propriété intellectuelle, et j'évoquais bien dans mon texte "la dimension patrimoniale du droit d’auteur".

    Or ce droit patrimonial ne découle pas théoriquement du droit moral (en doctrine juridique d'après ce que j'ai lu) et ne se transforme pas spécialement (dans sa nature) à la mort de l'auteur. Il est techniquement équivalent à un monopole sur la reproduction, la représentation et la suite de l'oeuvre. En gros, c'est purement commercial et cela concerne le revenu du créateur.

    Quant à ceux qui "profitent grassement" (votre dernier paragraphe) de cette question de la propriété intellectuelle littéraire et artistique (PILA), son interprétation est complexe. On cite souvent la cas d'école de Disney : il a utilisé (et fort heureusement à mon sens, c'est ainsi que procède notamment la culture par "remix") le fond européen de Grimm, Andersen, Hugo, etc. mais il fait un lobbying ouvert pour protéger férocement ses droits sur Mickey et autres.

    Si les producteurs de contenus voient un marché juteux dans l'assouplissement de la PILA, leur attitude actuelle consistant à durcir au maximum sa protection est incompréhensible.

    Sinon et plus généralement, les créations nouvelles se nourrissent de tout ce qui les a précédées, donc plus l'accès à cette nourriture est aisée, mieux la création se portera – tout au moins, plus les individus seront égaux dans la possibilité de s'inspirer de créations passées, ou au minimum de les commenter et de partager leurs commentaires.

    PS : J'ai trouvé et lu le texte de Balzac grâce à... Google Livres (en infraction avec le droit français, puisqu'il s'agit d'une citation longue d'un extrait de livre récent, issu du fair use anglo-saxon dont la Martinière ne veut pas entendre parler). Et j'ai commandé le livre (papier) concerné aussitôt (les éditeurs papiers peuvent ainsi remercier l'affreux Google Livres d'au moins une vente:-).

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  6. (anonyme, suite) "le débat lancé entre ayants-droits et téléchargeurs est aussi crétin d'une part que d'autre..." (et la suite)

    Si le débat est bien posé, je pense que les situations sont plus complexes qu'une bande de vieux cons contre une bande jeunes cons (en substance). Jetez un oeil sur Remix de Lessig (en lien dans l'article, le pdf est libre), il commence par trois histoires d'artistes qui ont eu des ennuis en raison de l'usage partiel dans leur création d'extraits d'oeuvre protégés par la PILA. Et Lessig incite justement son lecteur à considérer que l'ado piratant Lady Gaga n'est certainement pas la seule dimension du débat.

    (On peut par exemple se demander : est-ce pour des motifs très ingrats que l'on va pirater "Les mots et les choses" de Foucault, "La nature de la physique" de Feynman ou "L'argent" de Péguy)

    Si l'on accepte que le droit d'auteur est un "compromis social", ce que l'histoire et l'état présent du droit nous suggère, on doit envisager toutes les dimensions sociales de la question – et on doit aussi mener une réflexion plus vaste sur la manière dont la pensée et la culture humaines évoluent depuis toujours, pas seulement dans le très court intervalle de commercialisation industrielle des oeuvres de l'esprit commencé au XIXe siècle.

    Mais sur le fond, je suis d'accord avec la nécessité d'une position ouverte sur les avantages/défauts de chaque solution. Ce qui n'empêche pas chacun, au-delà de l'état des lieux le plus objectif possible, de défendre une direction particulière pour faire évoluer les choses, en fonction de ses intérêts et valeurs personnels, n'ayant pas de raison d'être ceux de son voisin.

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  7. Le droit patrimonial ne découle pas du droit moral de l'auteur, mais est une des composante des droits de l'auteur sur son œuvre lui permettant de l'exploiter commercialement. Au décès de l'auteur, de facto cela se transforme en cela que les droits sont transmis à des héritiers qui ne sont pas eux mêmes les auteurs mais juste des ayants-droit : d'où une limite temporelle.

    La logique de la citation reprise m'échappe donc toujours.

    Pour ce qui est du brassage de l'ancien pour faire du nouveau, je suis d'accord, mais ce n'est pas l'enjeu ici. Rien n'empêche quiconque de s'inspirer d'œuvres d'autres, on demande juste qu'ils ne les reproduisent pas à l'identique pour les exploiter commercialement sans apporter la moindre valeur ajoutée et sans payer les moindres droits : pourquoi Peter Pan, Alice, Scrooge etc (ou pourquoi certains artistes se retrouvent régulièrement sur les BO de films) reviennent en permanence sur nos écrans, sans grand intérêt, parce que les droits sont libres. Qui tire profit de ces nouvelles adaptations ? Pas la création (à mon sens), mais les gros cochons. Dans le même ordre d'idée, de non-création présentée comme de la création, on note une tendance de plus en plus dramatique à produire, plutôt que de l'original, des remakes (ça s'appelle des reboot de nos jours, c'est plus chic) de succès des décennies précédentes. Je m'égare un peu, certes, mais je pense que la culture du remix en est à tourner en rond, et qu'un peu plus d'original ne ferait pas de mal.

    Sinon, pour ce qui est de défendre la libre accessibilité du patrimoine culturel mondial, je suis la première à le défendre, et en particulier la libre circulation des œuvres d'auteurs morts, ou plus édités, etc ... mais une fois encore, les droits d'auteur ne sont pas l'ennemi, les éditeurs le sont.

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  8. "Si le débat est bien posé, je pense que les situations sont plus complexes qu'une bande de vieux cons contre une bande jeunes cons (en substance)"

    Évidemment que c'est plus complexe, je ne donne que la substance ici de fait, mais on est pas si loin du compte.

    Cependant, je suis parfaitement d'accord sur le fait que les ayants-droits pètent les plombs récemment, parce qu'ils sont dépassés et en sérieuse perte de revenus, s'accrochant à leurs droits comme des petites vieilles à leur porte-monnaie, et diabolisent cette nouvelle génération qui a du mal à comprendre pourquoi télécharger un fichier serait plus grave que d'enregistrer un single qui passe à la radio ou un film tv au magnétoscope (ce qui n'a jamais été un enjeu dans le passé).

    Cependant, mon propos récurrent est que la question des droits d'auteur n'est pas centrale : ce sont les pouvoirs publics, soumis aux lobbys, copinage, patronage etc ... qui décident de la dureté avec laquelle la protection des droits est effectuée et des moyens à donner aux gros cochons pour ce faire (comme Hadopi, qui de toute façon est dejà techniquement has been avant même d'être appliquée).

    Or, plus le consommateur sera idiot, et pronera du n'importe quoi (utopie, liberté, blabla) pour justifier des pratiques qu'il sait limites (et je ne parle pas de télécharger des œuvres de grands penseurs plus édités ou autres, je parle des dernières sorties du monde consumériste), plus il justifiera de lui même ce durcissement.

    Bref, je ne sais pas si c'est clair, le débat est gigantesque de fait, et à chaque fois qu'on tente d'en aborder une face, on occulte une grande partie du reste.

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  9. Si je devais synthétiser l'idée que j'essaie de faire passer ici sur le maintien global du régime des droits d'auteurs (avec possibles aménagements, notamment à la mort de l'auteur) : l'affaiblissement des droits d'auteur, IMHO, profiterait avant tout aux gros cochons alias majors, studios, éditeurs ... qui sont précisément parmi les raisons historiques de ce régime très protecteur pour l'auteur (en France en tout cas).

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  10. (anonyme)

    > "les droits sont transmis à des héritiers qui ne sont pas eux mêmes les auteurs mais juste des ayants-droit : d'où une limite temporelle"

    Je ne vous suis pas sur le "d'où" : le droit de propriété version patrimoniale pourrait être transmis dans le temps à tout ayant droit, exactement comme cela se passe pour la propriété d'un bien mobilier ou immobilier. Vous pouvez jouir des revenus d'une maison qui est familiale depuis trois siècles, vous ne pouvez pas jouir des revenus d'un livre édité voici trois siècles par un aïeul. Un certain nombre d'écrivains du XIXe siècle considéraient que cela devrait être le cas, et du point de vue du droit subjectif, ils me semblent cohérents : ce qui fait partie d'un patrimoine (ici un droit d'auteur) se transmet de génération en génération. Pas de raison interne (logique) que cela s'arrête net à 70 ans ou une génération.

    > "Pour ce qui est du brassage de l'ancien pour faire du nouveau, je suis d'accord, mais ce n'est pas l'enjeu ici. Rien n'empêche quiconque de s'inspirer d'œuvres d'autres,"

    Pas tout à fait : ce qui empêche de s'inspirer, c'est aussi (et entre autres) les conditions de ressource et la simplicité d'accès aux oeuvres dont on pourrait s'inspirer.

    > "on demande juste qu'ils ne les reproduisent pas à l'identique pour les exploiter commercialement sans apporter la moindre valeur ajoutée et sans payer les moindres droits"

    Entièrement d'accord avec cela... plus exactement, si la copie non commerciale est autorisée, le copie commerciale à l'identique n'aura qu'un succès marginal.

    > sur le reste, c'est trop vaste et le temps me manque présentement, mais comme je compte revenir sur ces questions, on aura l'occasion de débattre des aspects plus précis. Un détail, quand le magnétoscope est arrivé, il y a bel et bien eu procès célèbre contre Sony Betamax par Universal et Disney (1976). Et en fait, à chaque fois qu'une nouvelle technologie de reproduction mécanique des contenus est arrivée, ce fut le cas. Par exemple les compositeurs de musique emmenés par Berlioz, Gounod et Rossini se sont fendus d'un manifeste contre le Pianista Debain. (Voir "Du bon usage de la piraterie", Florent Latrive, en libre accès pdf sur le net ou chez La Découverte)

    Et sur l'accusation portées contre les éditeurs plutôt que les auteurs... là encore, il faudra y revenir (en fait, l'auteur cède généralement par contrat l'exploitation exclusive de ses droits à un éditeur, donc cela revient au même dans la pratique ; mais inciter l'auteur à redéfinir son statut à l'âge numérique, c'est en effet un enjeu de premier plan... qui fera l'objet d'autres réflexions).

    Bref, le débat est gigantesque en effet, raison pour laquelle comme l'indique la première partie du texte ci-dessus, je préfère le détailler par des réflexions normatives ou empiriques précises, adossées à une publication ou non.

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