Facebook, entre apéro géant et racket géant

Chaque jour, la cirrhose alcoolique du foie tue 25 personnes en France (environ). Une agonie par heure. On n’en parle pas, ce sont des plus ou moins vieux qui regardent Pernaut sur TF1, dans leur HLM ou leur ferme, pas de jeunes gens plein d’avenir qui surfent sur Facebook et se retrouvent en horde compacte pour se coller la race.

Comme d’autres faits de société à intervalle régulier, l’apéro géant de FB donne lieu à une surenchère médiatique et politique disproportionnée à la banalité (tragique) de l’événement. On voit les préfets et les élus redresser le menton pour prendre des mesures hausmanniennes de sécurisation des boulevards face à l’incontrôlable foule éthylique, les journalistes et les intellectuels rivaliser d’imagination pour décortiquer ad nauseam la biture collective.

Facebook et l’Internet étaient accusés de briser les liens sociaux, de virtualiser la vraie vie, mais voilà que celle-ci resurgit des écrans et vient dégueuler sur le trottoir. Du coup, la plupart aimeraient qu’elle retourne à ses pixels. Qu’il s’agisse de la burqa ou du pastaga, l’espace public doit être neutre, lisse, prévisible, contrôlable. Risque zéro. Chacun se cantonnera à ses espaces privés. Pourquoi pas, mais ceux qui énoncent ces injonctions ne peuvent se plaindre de la désertion généralisée de la « chose publique » puisqu’il ne s’y passe plus rien que l’enregistrement officiel du cours des événements non publics.

Cette question de l’espace privé et des données personnelles agite aussi bien Facebook en interne, depuis plusieurs semaines, mais les médias centraux n’en pipent mot ou presque. Ils en restent à des événements spectaculaires de surface, sans percevoir les enjeux réels d’une communauté qui, avec 500 millions de membres, pèse symboliquement plus lourd que la plupart des insignifiances accumulées dans les médias en actualités du monde. A ce propos, l’influent Wired a publié un article à charge contre Facebook, désigné comme « réseau voyou », appelant à chercher d’autres solutions plus respectueuses de la vie privée (Framablog a proposé une traduction française). Signe des temps : sur google.com, le premier hit de recherche proposé quand on saisit sur son clavier « how to delete… » est désormais « how to delete facebook account ». Tristant Nitot publie pour sa part sur le Standblog un étonnant graphique de synthèse sur l'évolution de la vie privée sur Facebook, assorti d'une présentation de Diaspora, le réseau alternatif qui monte en flèche en ce moment.

La réaction des individus au racket géant sur leurs données personnelles sera un phénomène bien plus intéressant à observer que l’apéro géant reproduisant une « débauche cathartique » archidocumentée des bacchanales aux raves. Si vous voulez en être informé, éteignez votre télé. 

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