Facebook, c'est les soviets plus la publicité

Voici deux ou trois ans, je m’étais inscrit sur Facebook. Pour voir. J’ai vu, et tenu deux semaines environ. Ce n’était pas les questions de vie privée ou de données personnelles qui m’avaient rebuté, simplement le niveau très insuffisant des échanges.

Il est notoire que le web 2.0 a massifié l’Internet, mais cette question d’un contenu des élites versus un contenu des masses m’indiffère, ce n’est pas mon prisme d’analyse. Les gens font ce qu’ils veulent et je ne suis pas juge de leur existence. Il est dommage que l’agrégation des foules dans un même lieu favorise la reproduction du modèle économique publicitaire de la télévision, en plus élaboré, mais je suppose que c’est inévitable à un certain degré. Mon incompatibilité avec Facebok tient surtout à un tempérament asocial, plus exactement à l’incapacité que j’ai depuis toujours d’échanger les banalités dont sont tissés les liens sociaux et langagiers. Ars longa, vita brevis : le commerce des livres me plaît décidément mieux que celui des hommes. Et sur Internet, je continue de fréquenter surtout des blogs et des forums, c’est-à-dire des lieux qui sont conçus pour la confrontation d’idées impersonnelles plutôt que pour l’échange de banalités personnelles.

Lorsque je suis retourné sur Facebook il y a deux mois, à des fins documentaires pour un réseau autour du texte numérique en cours de construction (voir ci-contre), le niveau n’avait pas changé. En revanche, ce retour a coïncidé peu ou prou avec la métamorphose en cours de Facebook, annoncée en avril dernier par Mark Zuckerberg à la conférence des développeurs. Pour une présentation simple de cette évolution, le dossier 01.Net est bien conçu. Il en va de même pour cet article de ReadWriteWeb. Concernant les conséquences, le témoignage d’Hugo Roy, l’analayse de Kurt Opsahl (EFF) et celle de GigaOM offrent de bonnes introductions. Il n va de même pour le décorticage de Didier Durand sur ZDNet, Rue89 vient à l’instant de publier la traduction d’un billet de l’Electronic Frontier Foundation montrant l’évolution des conditions d’utilisation de Facebook entre 2005 et 2010 : saisissant.

En gros, non seulement Facebook vend vos informations personnelles à des fins de profilage publicitaire, mais ses nouvelles fonctions permettront de suivre à la trace vos pérégrinations sur l’ensemble du Web, le tout avec une sécurisation douteuse n’excluant pas que de telles données se trimballent un peu partout. TechCrunch a révélé avant-hier que le module de chat de Facebook était par exemple ouvert aux quatre vents. Et plus généralement, je n’accorde pas une énorme confiance aux lois de régulation des fichiers informatiques : la cupidité humaine étant ce qu’elle est... Le mieux est d’en être absent et de profiter d’un Internet anonyme. Ou de décentraliser les serveurs eux-mêmes, comme le propose Eben Moglen avec une solution aussi élégante que rassurante.

Effacement volontaire de la frontière entre vie privée et vie publique, gestion autoritaire des données personnelles et location ubiquitaire de fragments d’existence numérique… Facebook, c’est les soviets plus la publicité!

PS : Le Monde publie un intéressant tour d’horizon des réseaux sociaux décentralisés et adeptes du libre. Movim développe par exemple un réseau social garanti sans fichage sur serveur. La difficulté est bien sûr d’atteindre la masse critique rendant possible un effet de réseau. Je ne suis pas sûr que cela soit possible pour des projets généralistes, en revanche il n’y a aucune raison de ne pas voir émerger des réseaux sociaux dédiés à certains thèmes.

4 commentaires:

  1. "Et sur Internet, je continue de fréquenter surtout des blogs et des forums, c’est-à-dire des lieux qui sont conçus pour la confrontation d’idées impersonnelles plutôt que pour l’échange de banalités personnelles."

    Mais tout est personnel, poussé à un certain niveau.

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  2. (spd) Oui sans doute. Même si l'on considère nos propositions les plus abstraites comme étant en dernier ressort des rationalisations de nos penchants, il n'empêche que cette tension vers l'argumentation crée un terrain de débat que n'autorise pas l'étalage juxtaposé des "sensations". De plus, ce prisme d'analyse n'est pas valable dans tous les domaines : je le trouve à la fois assez juste (il y a certainement des déterminismes psychologiques, sociaux, etc. formant l'arrière-plan personnel d'une réflexion) et assez pauvre (une fois posé cela, il reste plus intéressant de s'interroger sur son accord avec des propositions exprimées au lieu de faire des généalogies de leur expression).

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  3. Ce n’était pas les questions de vie privée ou de données personnelles qui m’avaient rebuté, simplement le niveau très insuffisant des échanges.

    +1 ;-)))

    RLZ

    Et sur Internet, je continue de fréquenter surtout des blogs et des forums, c’est-à-dire des lieux qui sont conçus pour la confrontation d’idées impersonnelles plutôt que pour l’échange de banalités personnelles.

    On peut jouer sur les mots, et trouver aussi des banalités impersonnelles et des idées personnelles, mais je comprends ce que vous voulez dire et y souscris largement.

    RLZ

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  4. "Des réseaux sociaux dédiés à certains thèmes..." Hum, de quoi peut-il bien s'agir ?

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