Livre papier : la chaîne en chiffres

Dans Alternatives économiques (289, mars 2010), un dossier sur le livre numérique. Point intéressant parmi d’autres, un schéma décompose la répartition moyenne du prix du livre papier (selon sources SNE 2008). Cela donne :
• détaillant : 36%
• fabricant : 16%
• éditeur : 14%
• distributeur : 11%
• auteur : 11%
• diffuseur : 6,5%
• TVA : 5,5%

Il est probable que cette répartition varie selon la nature du livre édité (son genre et sa quantité). On constate deux choses :
• l’auteur arrive en quatrième poste seulement du prix, à égalité avec le distributeur, il est en fait parmi les derniers servis dans l’économie hors taxe du livre papier ;
• l’ensemble diffusion-distribution-vente au détail capte à lui seul 53,5%, auquel s’ajoutent 16% de fabrication de l’objet, donc on mesure la différence économique des biens physiques par rapport aux biens informationnels dans les coûts d’accès au livre par le consommateur final.

Ce schéma, montrant la maigre place économique du créateur lui-même, illustre une des raisons pour lesquelles la notion de droit d’auteur (plutôt française et en partie européenne) me semble trompeuse par rapport à celle (anglo-saxonne) de copyright. Ce dernier mot signifie droit de copie, et tel est l’enjeu économique réel de la propriété intellectuelle dans le domaine littéraire et artistique. Le « droit d’auteur » a dès le départ été lié à des monopoles d’édition, d’impression et de distribution. La fameuse « chaîne du livre » mérite son nom : elle enchaîne l’auteur dans un système multipliant les intermédiaires pour atteindre le lecteur.

Ce constat est encore plus vrai depuis que l’édition s’est industrialisée, à partir du XIXe siècle. A ce sujet, le dossier d’Alternatives économiques rappelle qu'en France, 7 acteurs représentent 60% du marché en valeur : les groupes Hachette, Editis, Media-participations, Atlas, Flammarion, La Martinière et Gallimard (Hachette de mon ami Nourry pesant à lui seul plus lourd que les six autres). Mais surtout, cinq structures appartenant à ces groupes concentrent 80% du marché de la distribution – qui est, en économie du livre physique, le point stratégique pour atteindre le lecteur.

Parmi les biens culturels, le marché du livre est largement en tête avec 4 milliards d’euros de CA annuels en France (vente au détail uniquement), quatre fois plus que celui de la musique (0,9). Vu la dimension du pactole, ceux qui étaient agacés par le lobbying liberticide d’Universal, Sony, EMI, Warner et autres  doivent prendre leur mal en patience, et surtout rester sur leur garde : en matière de tentative de contrôle de l’Internet à travers la défense des droits de propriété, on n’a encore rien vu.

Quant aux auteurs, dont une poignée vit de sa plume et une multitude d’un autre métier, le numérique les invite à repenser leurs modèles de revenu, leurs choix de diffusion, leurs stratégies de réputation, et, au bout du compte, leurs motivations réelles à écrire. (On consultera sur le sujet cet intéressant article de François Bon.)

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