De rien

La vie numérique réserve aussi ses déceptions. Depuis plus de deux ans, je postais régulièrement sur le blog d’un éditeur. Sous différents pseudos, à durées de vie plus ou moins longues, avec sans doute une bonne centaine d’identités occasionnelles au total. Cela fait partie de mon jeu sur le réseau, certains ne jurent que d’un nom au point d’en être visiblement fétichiste, je préfère des identités flottant d’une expérience l’autre – et mon rêve secret serait la possibilité d’un espace numérique entièrement anonyme, où seule serait jugée la qualité des textes.

Donc, quelques rares lecteurs connaissent (pour avoir identifié leur style) les principaux pseudonymes que j’ai empruntés sur ce fameux blog d’éditeur, au cours d’épisodes dont certains furent pour moi de mémorables instants – je pense par l’exemple à l’irruption d’un certain usurpateur qui, quelques jours durant, anima ledit blog en l’absence de ses propriétaires. Mais s’il y eut des éclats de rire, ce fut surtout sérieux (car je suis au fond un garçon déséspéremment sérieux) : j’ai donc noirci des dizaines de milliers de signes sur des centaines de fils différents, en usant de la manière dont j’use ici comme ailleurs, c’est-à-dire en ayant plaisir à argumenter sur le fond et à confronter les points de vue. Parfois, comme d’autres, je faisais part en toute franchise de critiques adressées à mon hôte qui, avec une largesse d’esprit toute à son honneur, les publiait et leur répondait.

Mais voilà, ce blog jadis plus ouvert prenait depuis un certain temps une tournure de paranoïa, d’autosatisfaction, de censure et de règlements de compte qui finissait par me lasser. Et comme j’ai très peu de loisir dans la présente période, je lui ai adressé hier mon « congé provisoire ». Qui se révélera définitif.

Car j’ai eu l’amère surprise de constater, à peine ce congé provisoire pris, que l’éditeur de ce blog avait une appréciation très négative de ma participation, grotesquement analysée comme une sorte de « complot » – pensez donc, deux ans que je conspirais à nourrir le page rank de son blog en y passant plusieurs heures par semaine, et parfois par jour. Il se trouve que c’est aussi une appréciation très hypocrite, puisque le même interlocuteur s’était bien gardé de la signaler tout au long de ma présence et qu’il m’écrivait encore d’onctueux mails privés voici deux semaines – les premiers que j’avais reçus de lui ! Et il se trouve surtout que c’est une appréciation très idiote, travers que je pardonne le plus difficilement chez mes contemporains. Au contraire de certains courtisans qui l’entourent (car tout ouvert qu’il paraisse à l’Internet, c’est d’abord un éditeur papier n’est-ce pas, de ce vieux monde décrit ici et de tous les wannabes qui rêvent d’y vieillir), je ne l’ai jamais rencontré IRL et je ne le rencontrerai sans doute jamais, je ne lui ai jamais proposé de livre et je ne le ferai jamais. J’étais donc là en observateur et commentateur lambda, comme il m’est si souvent arrivé d’en être sur tant de blogs et de forums. Je ne le regrette pas une seconde – le débat d’idées est une de mes nombreuses drogues, je satisfaisais au fond une addiction. Et puis j’y ai rencontré des gens fort intéressants, avec qui je continue de débattre ici ou ailleurs.

Même s’il restait à bien des égards énigmatique, deux ans d’échanges m’avaient appris à connaître cet éditeur, à apprécier ses qualités et identifier ses défauts. Mais le dernier de ces échanges m’incite à l’oublier. Le détachement de la vie numérique tempère heureusement nos joies comme nos peines, nos enthousiasmes comme nos afflictions : la mesquinerie de mon interlocuteur m’aurait sûrement plus touché si elle s’aggravait d’une connaissance IRL. Tandis que là, elle devient un simple conte dont les noms ont déjà disparu. Ainsi passent les pixels.

9 commentaires:

  1. Cher Mimat,

    J'ai vu ça. Je ne vais pas commenter ce matin, j'attends quelques jours, non pour ajouter du bruit, ça se passe de commentaires, mais pour mieux comprendre et s'il vous plaît, vous en faire part. Je tiens, de visu, à vérifier quelque chose. Comme je sais que cet éditeur : Léo Scheer ne manquera pas de passer par ici plusieurs fois dans les jours qui viennent, cela m'aidera à tenter de mieux saisir.

    Mes amitiés et à bientôt,

    Christian Domec.

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  2. Cher Christian,

    Il me plaît, il me plaît, merci d'avance! :D

    J'espère que Léo a mieux à faire que passer ici dix fois par jour. Par exemple censurer les commentaires de son blog, puisqu'il est entré récemment en phase autocratique (mais vu son instabilité structurelle que le net révèle cruellement, au sens où cette instabilité refuse de s'admettre comme telle alors même qu'elle s'expose, cela changera dans six mois).

    Mes amitiés également.

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  3. Vous êtes de grands enfants : c'est rafraîchissant ! Je crains de ne plus savoir m'amuser comme ça, moi...

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  4. Suis frustrée, je peux même pas apporter ma contribution dévouée à ce superbe étalage de grandeur froissée, ni en direct, ni par proxy.

    Quoi qu'il en soit, je vous le dit, vous êtes un troll môssieur, et de la pire espèce, celle des trolls qui perturbent même pas les débats et disent des choses intelligentes (quelle fourberie !).

    Mais bon, en effet, vous avez accordé beaucoup trop d'attention à Léon qui n'est rien d'autre qu'un de ces babyboomers engraissé contents d'eux, éditeur sans le moindre intéret, et vous avez contribué à cette formidable web-cred' qui lui permet de penser sans complexes faire un traité sur les blogs.

    Et lui, il fallait bien un jour qu'il choisisse son camp, celui des éditeurs pointeurs de doigts drapés dans leur majesté (ainsi, si on y regarde de près, pas une seule des sociétés de Léon n'est à flots, les ELS par exemple avaient en 2007 (dernière date de publication des comptes de la société qui est en infraction depuis) un endettement 20 fois supérieur (>5M€) à leur CA annuel (sans compter un résultat négatif, donc une capacité de remboursement nulle)).

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  5. Je vous remercie d'être vous, vil manipulateur, en ce que vous n'avez pas jugé bon d'aller répondre à la bave du crapaud, déversée après votre départ !
    ça aussi, finalement, c'est " rafraichissant "

    Christine

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  6. Bonsoir.
    Drôle tout de même de consacrer une note à cela (id est : rien), mais d'accord quant à votre analyse du personnage à l'étonnante instabilité structurelle (vous êtes poli).
    Dans deux-trois jours, faute de terrain de jeu sociologique et surtout de participants, ne vous en faites donc pas, cet incorrigible bavard ouvrira les vannes pour acclamer le retour de ses meilleurs commentateurs sans lesquels, avez-vous remarqué, son blog n'est absolument rien que du bavardage qui frise en effet le délire paranoïde (sur le mode convenu : toute critique argumentée, surtout quand elle l'est, est une insulte).
    Cordialement.

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  7. Je fais partie des nombreux qui ne connaissent de Léo Scheer que son activité (nerveuse) sur le web, qui ne donne pas tellement envie de se pencher sur ce qu'il publie. En tout cas, la phrase précédente du Stalker me paraît très juste : "[Pour LS,] toute critique argumentée, surtout quand elle l'est, est une insulte". LS prend tout pour une insulte ou une diffamation, ou même une "ordure" : c'est assez inquiétant pour l'homme. Quant au pompeux "traité" sur les blogs, no comment. La plupart des "réflexions" qui y sont déployées aurait pu être écrite en 1994 après 5 ans de Minitel.

    Ce genre d'imposteur mondain existe depuis la nuit des temps... Et le diptyque "mail onctueux par devant/condamnation par derrière" ne date pas d'hier. "Le style, c'est l'homme !"

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  8. (Stalker, Tom Cantor) Oui. C'est la raison pour laquelle je n'y pense plus guère, sinon comme un cas d'espèce de "psychopolitique numérique" : comment une personnalité et une structure inadaptées à l'Internet participatif ont voulu utiliser des outils dont le principal effet est, au final, de révéler leur inadaptation. Que l'éditeur le plus avancé dans une expérience Internet produise au bout du compte un tel marasme est un élément de mon diagnostic plus général sur les ruptures à venir autour de l'édition et du livre numériques.

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