En 1725 déjà...

A quoi rêve un auteur quand il veut être publié ? Cette question a sans doute autant de réponses que d’individus et d’écritures. Le savant de 60 ans terminant un manuel de synthèse de sa spécialité n’a pas la même représentation de son travail que l’écrivain de 20 ans achevant son premier roman.

En raison de sa popularité, on pense souvent à ce genre romanesque quand on pense au livre. Et celui-ci concentre donc de nombreuses motivations à l’enchevêtrement complexe. On peut citer : l’instinct de création, l’appétit de réputation, le désir de reconnaissance, l’envie de partage, la pulsion d’expression, la soif d’argent… Et derrière tout cela, des mécanismes plus fondamentaux et plus enfouis de l’esprit humain.

Dans cette psychologie du prétendant – que l’anglicisation galopante nomme parfois le wannabe –, l’idéologie du temps présent va aussi jouer son rôle d’orientation. On est toujours publié dans un certain système du livre. Celui de notre époque, issu des noces de l’imprimé, des massmédias et du marketing,  ne présente finalement pas de grande originalité par rapport aux autres activités économiques : il flatte avant tout l’argent et la réputation.

Au jeune auteur qui voudrait y creuser son sillon, je conseille d’abord de bien connaître le sens des mots soumission, aliénation et désillusion.

Il peut aussi, s’il a encore le goût de l’histoire, lire le très instructif Mémoire sur les vexations qu’exercent les libraires et imprimeurs de Paris, rédigé par Blondel en 1725. L’auteur observait notamment à propos de l’évolution de l’édition de son temps, qui était alors un métier de libraires-imprimeurs : « Les premiers étaient des hommes laborieux, appliqués, versés dans la belle littérature et dans les langues savantes, ceux d’aujourd’hui sont des gens uniquement occupés ou de leur gain, ou de leur plaisir (…) Ce que l’on dit ici de ceux qui se mêlent à Paris d’imprimerie et de librairie ne doit point rejaillir sur un très petit nombre d’imprimeurs et de libraires dont on connaît le mérite et la capacité et qui gémissent de l’ignorance, de l’opulence et de l’arrogance de leurs confrères».

Amusant, non ?

Post scriptum : mais au jeune auteur, on sait bien sûr que je conseille désormais de préserver le maximum de sa liberté et de son autonomie en optant pour le support numérique de production et diffusion de son œuvre, et en abandonnant le support imprimé vieillissant à l’héritage de ses siècles de turpitude.

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