Un nouveau concept : l'hétérisme

« Ce que tu peux être autiste, des fois ». Vous avez déjà entendu cela ? Alors vous êtes comme moi. Nous devons nous révolter face à l’insupportable agression des hypersociaux qui nous cassent les couilles ou les ovaires.

Le premier scandale, c’est qu’en langue française comme en psychiatrie, le contraire d’autisme… n’existe pas ! Or, si vous êtes vraiment autiste comme moi, vous aurez remarqué que votre entourage est composé d’un nombre non négligeable de malades mentaux se comportant de façon effrayante et incompréhensible.

Ce jour, je propose donc solennellement à la linguistique et à la psychiatrie françaises, européennes et internationales, ainsi qu'à Google, la création d’un nouveau mot-concept : l’hétérisme.

Hétérisme, subst masc, etym du grec « hetero » (autre)

a- (psychologie) Attitude mentale et comportementale se manifestant par un besoin irrépressible de contact et de communication avec autrui, un mode de pensée dicté par la réalité externe et une carence  de la vie intérieure. La personne souffrant de ce trouble est dite hétériste. L’hétérisme frappe préférentiellement les sujets de sexe féminin (prévalence six fois supérieure chez la femme que chez l’homme). Il apparaît généralement dès l’enfance, et s’aggrave après l’adolescence. Le trouble est en moyenne diagnostiqué entre 20 et 25 ans. Il est incurable à ce jour.

En psychiatrie du monde numérique, le diagnostic d’hétérisme est posé lorsque quatre des huit symptômes suivants apparaissent pendant au moins trois mois, et provoquent souffrance ou détresse chez le patient ou (surtout) son entourage :
a) Impossibilité de rester seul chez soi (recherche d’activités de groupe, de soirées, de sorties, etc.) ;
b) Incapacité à répondre durablement par post, mail ou par texto (le sujet propose rapidement de se téléphoner, de se visiophoner et surtout de se voir IRL) ;
c) Echange de banalités confondantes portant sur des détails insignifiants de l’existence (shopping, cosmétique, histoire de cul, dernier tube de merde en vogue, ragots…) ;
d) Addiction à un ou plusieurs réseaux sociaux (à partir de 10 messages par jour) avec présence fréquente de la condition décrite en b ;
e) Besoin de s’immerger dans n’importe quelle foule, si possible compacte (boite de nuit, plage, banc de moules…) ;
f) Tendance à interpeller n’importe quel inconnu dans la rue, dans un magasin, dans un café ou dans tout autre lieu, pour lui parler de n’importe quoi ;
g) Inaptitude à s’attacher durablement un partenaire, tendance à sauter ou se faire sauter par n’importe qui (par exemple l’individu interpellé en condition f) ;
h) Absence globale de personnalité, identité incertaine, conformisme systématique, capacité à disparaître de la Terre en ne laissant pas le moindre souvenir.

b- (vieilli) L’hétériste désignait un compagnon politique (Littré).

Nota : Cette définition est participative. J'encourage l'AAAjpA (Amicale des Autistes et Asociaux justement pas Associés) à fournir d'autres caractéristiques et symptômes des hétéristes.

8 commentaires:

  1. Je ne puis qu'encourager la démarche, néanmoins, il me faut pointer que la qualification "d'autiste" dans le langage courant ne recoupe pas plus la définition psychiatrique que celle d'"hystérique": le risque est donc que les autistes légitimes se sentent floués et se doivent de créer une initiative similaire pour se démarquer des AAAjpA qui usurpent un titre qui n'est pas leur. (évidemment, les AAAjpA ont pris une cible peu apte à se défendre ou même être conscients de leur existence avec les autistes cliniques)

    Sur les symptomes, j'émets des réserves sur les suivants :
    - b & e : parce qu'ils ne traitent que d'une forme d'hétérisme (pas celle qui est contentée par ses 3000 amis facebook)
    - f : faudrait préciser le genre d'interpellation, c'est trop large
    - g : l'autiste est à mon sens plutôt encore puceau qu'engagé dans une relation durable, qui est plutôt un des symptomes du conformisme.
    - h : cela me parait relever d'une appréciation personnelle plutôt que d'une réalité. Dans l'absolu, tout le monde fini en poussière, mais l'hétériste a plus de chance qu'un de ses multiples amis rappelle son souvenir, même insisgnifiant, que l'autiste.

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  2. Au passage, je vous encourage à vous intéresser pour trouver des alliés au phénomène des NEET ou Hikikomori.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Neet
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Hikikomori
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Freeter

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  3. Tout cela me paraît déjà très complet, docteur. Peut-être ajouter un point "i" (déjà en germe dans votre introduction): "incapacité à regarder autrement que comme une sous-merde tout individu ne présentant pas au moins quatre des huit symptômes précédents".

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  4. Chers confrères,

    Merci de vos premières observations.

    Anonyme 1 : pour b et e, comme je l'expliquerai dans un prochain billet, les 3000 amis FB font partie d'une "socialité numérique" qui n'est pas tout à fait hétériste à mon sens, ou alors il faut créer une sous-variante. L'hétériste "vrai" est dans mon esprit celui/celle qui utilise FB ou autres réseaux sociaux pour développer ensuite des relations IRL. Je reconnais et assume la pure subjectivité de h.

    (Et sinon bien sûr, l'autisme réel comme TED n'est pas concerné par l'AAAjpA.)

    Anonyme 2 : merci des liens. je connaissais l'hikikomori, mais pas les autres, c'est intéressant.

    Marco : "sous-merde" est peut-être un peu fort – je me représente l'hétériste comme incapable d'un jugement de valeur aussi tranché. Peut-être "incapacité à regarder autrement que comme un extra-terrestre ou un psychopathe tout individu ne présentant pas au moins quatre des huit symptômes précédents" ?

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  5. Je reviens sur la critique de f par Anonyme1. C'est vrai que la notion d'interpellation est vague, mais cela correspond au spectre indéfini de toutes ces situations où, vous promenant par hasard dans la rue avec un hétériste que vous ne soupçonniez pas de l'être, vous constatez avec horreur qu'il/elle se met à discuter comme s'ils avaient gardé les moutons ensemble avec la vendeuse d'un magasin, le serveur d'un café, l'inconnu qui fait la queue à côté de vous, le sdf qui roupille sur un banc du métro...

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  6. (alias Anonyme 1 & 2)

    Le NEET est sûrement le concept le plus intéressant des trois mentionnés (la reconnaissance d'un étouffement et rejet lié à une société conformisante. Les NEET sont des parias dans le Japon ultra-conformiste où l'individu doit toujours servir le bien commun sous peine de perdre son honneur, mais fait marquant, les NEET n'en crèvent pas de honte, au contraire, ils affirment leur voie, et ça c'est nouveau) : les deux autres étant des cas particuliers de NEET à mon sens.

    Le hic de la définition de l'hétériste telle que figurant plus haut en ce qui me concerne c'est qu'il ne tient pas compte des asociaux sociables : ainsi en tirant un peu sur la corde, je pourrais me retrouver qualifiée d'hétériste étant capable de présenter les c, d, f et g, sans toutefois y être limitée.
    Or, mon asocialisme et mon "autisme" (le type aspergerien m'apparait plus proche de ce que vous voulez exprimer d'ailleurs) sont je pense bien plus marqués que ceux de beaucoup de personnes qu'on considérera "autistes" juste parce qu'elles ont un vide entre les deux oreilles (ainsi que la divergence de ma pensée à l'égard de la norme). Cependant, je dois aussi avouer que je pourrais surement être diagnostiquée de la plupart des pathologies psy (donc en gros, la définition ci-dessus n'a rien à envier à la plupart de celles du DSM-IV, qui sont rarement satisfaisantes)

    C'est noté pour les sociaux numériques : il me semble qu'ils méritent le titre d'hétéristes, et qu'il n'y a plus vraiment de frontières marquées IRL/web mais plutot un système de vases communiquants. A noter aussi que la pratique des réseaux sociaux tend à encourager la survenance des symptomes de l'hétérisme que vous avez présentés.

    Dernière chose qui m'a marquée dans votre définition : êtes vous conscients que vous êtes à peu de choses près en train de définir la personnalité histrionique/hystérique ?

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  7. Heureuse initiative que voilà.
    Je graindesale, si vous pemettez.
    On peut guérir l'hétérisme par l'administration de fortes doses d'éther (inhalations) à intervalles réguliers. Ethériser l'hétériste. Peu pratique (il faut souvent ruser, l'hétériste étant naturellement rebuté par l'éthéré) mais très efficace.
    Ne pas confondre "hétériste" et "intériste" - fan de l'équipe de football de l'Inter de Milan. Les intéristes hétéristes constituent une population extrêmement insupportables.
    Par la suite, une analyse sociologique plus poussée pourrait recouper la notion d'hétérisme selon l'appartenance cultuelle, l'hétériste sépharade présentant des signes distinctifs d'avec le catholique ultramontain.
    Mais je m'égare...

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  8. (Anonyme) Sur l'histrionique, oui. Un ami neurobiologiste à qui j'avais un jour demandé à quoi pourrait ressembler le contraire de l'autisme, en supposant une sorte de courbe gaussienne de sociabilité dans la population (à droite extrême les autistes, au milieu en haut la masse des normaux, à gauche extême les ...?), cet ami donc m'avait suggéré spontanément les nymphomanes. Ce n'est pas tout à fait l'histrionique dans le DSM-IV, mais il y a quand même la "séduction sexuelle inadaptée" en symptome 2. Ce qui me dérange dans histrionique, c'est la volonté d'être "au centre" chez cette personnalité : j'imagine très bien mon hystériste être une moule pas trop identifiable, qui a juste besoin de se socialiser à outrance sans en faire des kilos dans le théâtral comme l'histrionique. (Et dans nymphomane, la visée exclusivement séductrice-sexuelle ne me satisfaisait pas).

    (M) Merci de ces nouvelles extensions du domaine nosographique, et même clinique puisque vous en venez déjà au remède. S'il faut éhériser l'hétériste, au risque de l'étêtez un peu, et de tater l'hérésie, tentons l'ether.

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