Le journaliste, ce héros

Depuis un certain temps déjà, Libération ne lâche presque plus rien en gratuit sur son site, sinon des dépêches AFP un peu remâchées et quelques chroniques sans grand intérêt. Le résultat est que je ne lis plus (et ne lie plus) Libération. J’espère pour eux que d’autres lecteurs auront jugé indispensable de répondre à cette restriction par un abonnement. Parce que moi, je ne verserai pas une larme au dépôt de bilan.

C’est donc sur le site de La Croix que je prends connaissance du baromètre annuel de confiance des Français dans leurs médias. Ils sont une petite majorité (55 %) à penser que la presse écrite rapporte correctement les événements, une très grosse minorité (48 %) à penser de même pour la télé. Les Français étant un peu cons, cela ne les empêche pas de se tenir principalement au courant de l’actualité par la télé (57 %, la radio vient loin derrière avec 20 %, la presse 14 %), c’est-à-dire le média de masse dans lequel ils ont par ailleurs le moins confiance ; à moins que, suprêmement intelligents, ces mêmes Français décident de décrypter quotidiennement les manipulations de leur petite lucarne. Internet n’inspire pas la confiance (35 %), mais c’est le seul canal d’information en hausse notable de crédibilité depuis quelques années. Enfin, pour 66 % des sondés, les journalistes ne résistent pas aux pressions du pouvoir politique, et pour 60 % à celles de l’argent.

Les deux-tiers des Français pensent donc que le journaliste lambda est un vendu. Pour une fois, je suis en phase avec l’opinion majoritaire.

Beaucoup de journalistes aiment à penser que le déclin de leur média, particulièrement la presse écrite, vient de la concurrence déloyale de l’information gratuite, sur papier ou sur le web. Ils se lamentent ainsi : « Nous sommes de source sûre les piliers de la démocratie, les champions de l’objectivité, les gardiens de la morale, les remparts contre la barbarie, les martyrs de la déontologie, bref, nous sommes journalistes professionnels, et des salauds menacent de faire sombrer le monde dans le chaos en tarissant la source pure de la vérité. Sans parler de l’indispensable intelligence de nos commentaires, une mise en perspective critique que nous seuls pouvons formuler ». Bien qu’ils possèdent encore dans une large mesure les clés de l’opinion publique, les journalistes ne peuvent empêcher les deux-tiers de leurs concitoyens d’exprimer leur défiance à leur encontre. Ils seraient avisés de se demander pourquoi. Mais ils ne le feront sans doute pas, ou alors ils le feront mais ne trouveront pas les bonnes réponses. Sans quoi ils ne seraient pas journalistes…

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