Parmi les idées de ses invités, Kurt Andersen et Katharine Weymouth convergent pour dire que la presse se cassera la gueule si elle se contente de vendre une version numérique identique au papier. Pour eux, le passage au numérique payant sera la réinvention du métier de journaliste, avec une nécessaire fusion texte-son-image. En gros, l’info presse et l’info télé pures n’existeront plus à terme, on aura des mix avec des analyses texte agrémentées de reportages vidéo plus ou moins crowdsourcés.
Steven Brill souligne à juste titre que les lecteurs ont de moins en moins envie d’acheter un journal complet dont la moitié du contenu est réchauffé de sources accessibles ailleurs. Surtout, l’honnête homme capable de s’intéresser à la fois à la culture, à l’économie, à la politique, à l’international, à la science, à la santé, au sport et aux idées n’existe tout simplement plus comme marché, ou alors un marché très réduit – certes solvable puisque recrutant dans les CSP+, mais plus un marché de masse comme en possédaient journaux et magazines à l’âge d’or de la presse. Par manque de temps ou d’intérêt, les lecteurs auront éventuellement envie de s’abonner à certains rédacteurs qu’ils aiment bien ou à certains thèmes qu’ils suivent, pas un package global avec 70 % de déchets.
Jimmy Whales, fondateur de Wikipedia, rappelle au passage que le contenu numérique collaboratif est souvent de meilleure qualité que le contenu presse papier. Pour lui, pas de révolution à attendre : en facilitant l’acte d’abonnement et de paiement, on va forcément élargir un peu les revenus numériques, mais cela n’ira guère au-delà.
Au passage, Quittner signale que Steve Jobs a cédé devant les éditeurs (de livres) en les laissant fixer librement le futur prix de l’e-book sur iPad, contrairement à Amazon sur Kindle. En un sens, il faut être réaliste : les éditeurs de contenus ont une telle frousse du numérique que des concessions sont nécessaires pour qu’ils y mettent un pied, et même un peu plus, leur catalogue. Mais je doute beaucoup qu’ils trouvent leur équilibre économique avec des prix aussi élevés. Dans le secteur musical qui a essuyé les plâtres, iTunes a été parmi les premiers à vouloir mettre de l’ordre, avec un gros catalogue et un prix unique au morceau. Mais ce prix est trop élevé (0,99) : les ventes ne décollent donc que doucement et ne compensent absolument pas les pertes par rapport au système CD.
Autre point dont se félicite Quittner : l’iPad ne sera pas multitâches, donc impossible de surfer sur une fenêtre avec son magazine sur une autre. Selon lui, ce cadre de concentration imposée joue en faveur de la presse payante, le lecteur incurable n’ira pas errer sur le net pour s’apercevoir qu’on y trouve finalement plein d’infos gratuites. Une carence technique qui soutient un modèle bancal, ce n’est pas franchement excitant…
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