Comme si de rien n'était

La journée ne fut pas meilleure que sa veille et même pire car les laboratoires ont été aujourd’hui transformés en salles de réunions inutiles – pas de doute, je hais la réunion, qui de surcroît produit dans 90 % des cas des malentendus en raison des bribes cognitives mal élaborées que l’on a à peine le temps d’y échanger.

Je souffre ces temps-ci d’un surmenage de tâches intellectuellement ingrates, plus ou moins telles, une situation qui me place presque toujours dans un grand désarroi. Mon esprit paraît se regarder en train de dilapider son temps dans des activités qu’il n’aime pas, cette autocritique plus ou moins consciente le fait fonctionner au ralenti (et donc elle fait simultanément durer le supplice), et bien sûr il ne profite pas des rares pauses sinon pour constater combien son énergie manque à ce moment pour des travaux moins alimentaires, mais plus vitaux – de ces travaux permettant de se dire, quand vient le temps du recul, que l’on n’aura pas passé sa courte existence dans les rets de l’idiote nécessité. C’est une question que je me pose assez souvent, savoir si je peux mourir demain avec la moindre satisfaction des choses produites. Et la réponse est bien sûr négative, il n’y a rien dans le sillage, aucune trace réellement digne de devenir un souvenir (sinon les sentiments de proches, enfin je l’espère, mais ce n’est pas bien sûr ce que l’on a en tête dans ce genre d’interrogation). Or, si l’on est incroyant, ce rien est l’autre nom du désespoir nihiliste.

J’ai fini Coupland voici trois jours, cela me vient en tête avec le mot nihilisme, en l’occurrence trop fort pour désigner les situations de jPod, mais ce sont pourtant ces échos lointains de nihilisme que j’apprécie dans ce type de littérature nord-américaine : la description de gens tout à fait navrants de pusillanimité et de superficialité. Et j’en apprécie pour le coup le style, car je ne sais pas si vous avez essayé, mais il est particulièrement difficile d’écrire cette banalité (un peu ce que j’aime en France chez Houellebecq quand il en fait le minimum, là où certaines critiques à mon avis idiotes l’accusent de ne pas avoir de style justement).

Après Coupland, j’ai sauté sur un tout autre genre, Ellroy et son Underworld USA. Amusant effet de miroir d’ailleurs, puisque son action se déroule dans les années 1960-70, et dans un milieu (le crime, la politique, la politique du crime) bien éloigné d’une génération X sortie de sa propre histoire, ou jamais entrée en elle. La trilogie commencée avec American tabloïd n’est pas mon pan préféré de l’œuvre d’Ellroy, en même temps ce type d’écriture correspond précisément à ce que j’ai envie de lire en ce moment, alors je ne boude pas ce plaisir.

Accessoirement, le livre me fait regretter l’absence de version électronique (en fait je n’ai pas vérifié s’il existe en e-book, et je n’ai pas encore de lecteur) : outre qu’il a été imprimé sur du PQ, il est particulièrement lourd et encombrant, je déforme mes sacs, mes épaules, mes poignets à le transporter ou le tenir. J’aime bien les poches Rivages, mais ce grand format est un désastre.

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